2007
discours

 

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Installation pour I've got the power 2007 à Tours.

Thierry Joseph utilise constamment les technologies et
nouveaux médias qui caractérisent le monde qui nous
entoure. Pour autant, il ne s’agit à aucun moment
d’une célébration de ces procédés. Au contraire, le
vocabulaire de formes ainsi constitué permet une
remise en question de ces techniques même et de la
façon dont elles sont utilisées dans notre société.
Les objets ou installations qu’il créé permettent
d’interroger ces avancées technologiques qui, sous
couvert de progrès, tendent à aliéner toujours un peu
plus l’individu. Nombre de ses réalisations visent
ainsi à impliquer directement le spectateur dans des
dispositifs qui réduisent sensiblement sa liberté, qui
se jouent de son image ou de son pouvoir de décision
malgré lui.
Affaire XXIII, réalisée spécifiquement pour
l’exposition à l’Hôtel de Ville donne une nouvelle
fois la possibilité à l’artiste de travailler les
problématiques qui lui sont chères. Avant de pénétrer
dans l’installation, le spectateur se voit proposer
l’option de trois discours qui se résument à une
lettre, soit A, B ou C. Le choix va très vite se
révéler être une illusion. Dès que le visiteur a pris
la décision de se laisser aller à ce qui semble être
une expérience ludique il va activer le
fonctionnement de l’œuvre. Une fois le discours
choisi, il entre dans l’espace propre de
l’installation. Il franchit une entrée dont la
solennité est marquée par le fait qu’elle est encadrée
de deux arbustes et de rideaux noirs. Il monte une
marche et se retrouve sur une estrade, derrière un
pupitre d’où sortent des micros. Deux projecteurs sont
dirigés dans sa direction et l’éblouissent,
l’empêchant de distinguer clairement les chaises qui
sont disposées par rangés à ses pieds et surtout la
caméra qui le fixe. A ce moment, il est au centre
d’une scénographie complète qui rejoue les conditions
d’une conférence de presse ou d’un meeting. Quand il
enclenche le discours dans l’espace prévu à cet effet
sur le pupitre, le « piège » se referme sur lui. Se
superpose alors, à l’image filmée du spectateur
retransmise en direct ailleurs dans l’exposition, un
discours préenregistré, le tout à son insu.
Encore une fois, il s’agit pour Thierry Joseph, de
mettre le spectateur au cœur d’un dispositif qui lui
confisque son image et son intégrité. De cette façon,
il questionne directement l’image véhiculée par les
média et amène le regardeur à prendre conscience des
mécaniques qui sont en jeu dans ce type de
représentations. Ici, l’artiste opère une véritable
déconstruction des techniques utilisées dans
l’information et des manipulations possibles grâce à
la technologie.

Frédéric Herbin