Sous le titre générique Affaire, Thierry Joseph conçoit une série d’œuvres qui met en jeu des machines automatisées et propose au spectateur de se livrer à une expérience qui ne renvoie qu’à soi.

Faire

Faire que le spectateur soit pris au piège des images, et construire une machine, une scène pour la vision seule. Tel est le principe des caissons métalliques, boîtes à l’échelle humaine, à l’aspect froid et réfléchissant, à la finition parfaite. Invitation à découvrir l’intérieur, après avoir contourné la chose, invitation à entrer pour qu’enfin le piège se referme. Le mécanisme est invisible, la porte glisse doucement. A l’intérieur, l’obscurité laisse déceler le même état de froideur technologique avant de projeter le spectateur dans la couleur des images. C’est le face à face, le mouvement, ou encore la vision simultanée de plusieurs films qui créent cette proximité déroutante. Faire l’expérience de l’image, du quotidien, de l’intimité, du parcours qui mène à la rencontre.

A faire

A faire seul et sans hésitation L’expérience que propose Thierry Joseph engage le spectateur dans un processus irréversible. Une fois le caisson refermé, le cycle doit se dérouler entièrement. Le corps, les sens ne peuvent s’abstraire, sinon par l’attente, du trouble qui naît de cette courte aventure. Isolé, enfermé, le seul recours est de se laisser guider par le mouvement des images, leur possible récit. L’expérience renvoie bien sûr à des études psychologiques sur les comportements humains tels que l’agoraphobie, mais aussi a un questionnement sur la valeur morale des images.

Affaire

Avoir affaire à ça n’est pas une mince affaire. Détails et gestes du corps, les images sont elles-mêmes des rappels d’expériences. Leur confrontation avec un mot, «je», «il», avec un texte lu, en l’occurrence des extraits de La mécanique des femmes de Calaferte, ajoute à leur forte présence. La verdeur du langage est aussi sa saveur, la saveur de l’image est celle du langage des affaires amoureuses. Le corps, le sexe, la pornographie, quelle affaire. Et maintenant comment se tirer d’affaire ?

Affaires

Le recours à la technologie et aux nouveaux médias est désormais l’une des constantes de l’art contemporain. L’image en mouvement ne nous étonne plus, par contre leur mouvement, leur apparition nous tient en éveil, et plus nous incite à la vigilance. C’est en effet en ces termes qu’il faut penser le rapport de l’art à l’image, l’appropriation ou la réalisation par les artistes d’images a priori non artistiques. Vu du métro, des champs de la Beauce, écran de téléviseur enneigé, à ses plans d’une extrême banalité, Thierry Joseph ajoute des vues intimistes, au quotidien, telles que celles qui seront envoyées par modem et qui susciteront l’ouverture et le déploiement de l’écran de Affaire VI.
Alors où en sont les affaires de l’art ?

Affaires de vie

Dans la pratique artistique de Thierry Joseph, il y a aussi la volonté de participer à l’effort du développement durable. La force de son travail réside aussi en cela que les éléments apparents des œuvres sont autant d’objets sculpturaux qui ne dissimulent ni la vocation utilitaire, ni la dimension citoyenne des projets.
L’artiste, volontiers concerné par des préoccupations d’ordre écologique fait le pari de donner à voir les excès d’une société avide de prouesses incontrôlées et invite le spectateur à une prise de conscience plus vaste, humaine et environnementale. De dire l’exigence simplement d’être concerné par ce monde que nous façonnons tels des démiurges inconséquents, avides de satisfactions immédiates et individuelles.

 

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