Une affaire qui se déroule dans l’ombre d’une grotte au sol crissant et verdoyant, animée parfois de quelques traînées scintillantes. Arrêtant son pas pour s’étendre sur les coussins semés à même une moquette devenue gazon, tout prêt à jouir d’un instant de quiétude, on est soudain surpris par cette déclaration :« Thierry Joseph vous aime ou ne vous aime pas ». Une sentence sortie de nulle part et qui convoque l’intimité. Souvent mise à mal dans les pièces de Thierry Joseph, elle s’incarne ici dans un dispositif elliptique pourtant radical. Le mot s’avère encore essentiel et trouve son organe sonore dans les lampes d’une guirlande digne d’un bal champêtre. Comme autant de clins d’œil musicaux, les ampoules s’illuminent en alternance, selon un rythme arbitraire, pour délivrer une suite de mots extraits de chansons de variété française. A l’aspect féerique de l’objet s’oppose l’humeur oscillante de l’artiste qui se raconte dans ses ruptures et ses incohérences. Reste la principauté de l’élan – qui porte vers ou fait se détourner de – précepte capricieux qui, non seulement admet le paradoxe, mais trouve sa force dans l’extrémisme de la déclamation. Singulier objet donc qui ne s’encombre pas de nuances et qui, discrétionnaire, s’adresse à nous en usant d’une familiarité sensible sans avoir pris la peine de faire préalablement connaissance. L’affaire-là est licencieuse ! Elle oblige à donner de soi aussi, à s’arrêter sur l’intimité de ses rapports à l’autre. En somme, elle marque avec économie un principe de proximité : Il y a lui et nous. Lui qui semble nous connaître et nous surprend au creux d’un possible moment d’abandon, et nous, surpris d’être concerné par cette histoire. Une proposition avant tout sincère et généreuse dans la manière qu’a l’artiste de se dévoiler et de porter son attention à l’autre. On pourrait presque l’entendre chuchoter : puisque je me risque à vous montrer cette facette de moi par un procédé rendu public, saurez-vous en échange accepter mon propos et laisser la banalité de l’énoncé devenir éloquente ?
Valérie Nam octobre 2003