projet en cours 2003
40 X 25 cm
métal, plastique,
armoire de commande

 

sommaire

À première vue : un drôle d’insecte accroché à un panneau de verre, une bestiole ostensiblement en quête d’amour. En fait : un robot à mi-chemin entre les automates fabuleux du Zapparoni1 d’Ernst Jünger et les jouets à l’intelligence factice tels les Tamagoshi et autres Furbys2 . Rivée à la paroi d’une vitrine qu’elle parcourt au rythme des passages, l’installation encre progressivement la surface d’injonctions adressées à une possible âme sœur : reste avec moi, attends-moi, suis-moi, s’égrènent comme autant de phrases stéréotypées issues du registre amoureux. La position des mots, déterminée par l’axe d’apparition et le cheminement des passants, résulte des déplacements mécaniques du tampon encreur en réponse à la cadence des va-et-vient. Ersatz d’animal, le robot ne conserve de ses comportements que celui dicté par les nécessités physiques de la période des amours. La pièce se livre à une danse absurde, animée d’un mouvement sensé donner l’illusion d’une attirance amoureuse et se faisant ainsi métaphore acerbe des procédés de séduction. Le mode apparemment aléatoire de l’impression n’occulte en réalité que mollement le systématisme effectif du processus. Devenu l’objet involontaire de la convoitise aveugle du robot, le spectateur n’a d’autre choix que celui de considérer son propre anonymat. A l’inverse de ses précédentes pièces, Thierry Joseph joue ici sur la présence aléatoire du spectateur et le confine au rôle douloureux d’objet de désir interchangeable. Criblée de ces suppliques, la vitrine rend compte de passages furtifs sans jamais témoigner de la spécificité d’une présence. L’inanité de l’intention formulée au départ découle de la multiplication de prières. La marionnette mécanique devient, de ce fait, le support de projection d’affects semblable à ceux dont nous usons déjà : les phrases-clichés imprimées sur le verre ne sont-elles pas de pâles reflets des scénarios récités en boucle par les hôtesses des télémessageries roses ? De la même manière, l’attention que le spectateur pourra accorder à ces sollicitations ne ressort t-elle pas du même processus d’aliénation et d’addiction qui s’ensuit du maniement des jouets dits interactifs (Tamagoshi et Furbys, cités plus haut). Support de la monstration, la vitrine, quant à elle, se fait la représentation littérale de l’impossibilité de dialogue, de la mercatique de l’amour, de l’isolement généralisé par la peur de l’autre. Cette sorte de « Motif dans le tapis «3 produit par le foisonnement des phrases, ne révèle finalement que la monotonie d’une quête mécanique et ininterrompue, à l’image, peut-être, de nos insatisfactions, de nos désirs inassouvis mais aussi de nos inattentions et de nos indifférences.

Valérie Nam 2002